Les Barbadiens célèbres – Neil Alvin
Bienvenue dans la partie du blog consacrée aux noms célèbres que vous n’avez sans doute jamais associés à la Barbade, et dont vous ignoriez les origines barbadiennes.
Entretien avec Neil ALVIN, créateur du blog Black Girls Killing It
Savez-vous que Black Girls Killing It (BGKI), un site web qui connaît un succès fou, a été créé par un Barbadien, Neil ALVIN ? BGKI est une plateforme globale pour les fashionistas noires. Des femmes de partout dans le monde envoient des photos de leurs tenues stylées, mettant en avant leur esthétique vestimentaire unique. (Black Girls Killing It pourrait se traduire par Les filles noires assurent au niveau mode). Avec des centaines de milliers d’adeptes sur les réseaux sociaux sans compter les masses qui fréquentent le site, BGKI fait forte impression sur la blogosphère de la mode.
Félicitations pour la création d’un blog avec une telle portée internationale. Qu’est-ce qu’il vous a poussé à créer ce site et depuis quand existe-il ?
Black Girls Killing It, BGKI, existe depuis 2011 mais en fait, je blog depuis 2010. Au début, le site était appelé Neil Alvin.com. Et tout a commencé avec mon amour de la lecture. J’étais toujours en train de lire toute sorte de chose y compris les magazines en ligne. Je ne connaissais rien à la mode mais j’aimais lire.
Un jour, je suis tombé sur un article intitulé les 50 meilleures blogueuses de mode. Je l’ai lu, y ai réfléchi en m’occupant dans la maison, puis je suis retourné lire l’article. Sa mise en page me permettait de voir les 50 vignettes de leur portrait à la fois… et je me suis rendu compte qu’aucune n’était noire. Aucune. Je me suis dit que ce n’était tout même pas possible qu’il n’y ait pas une seule Noire parmi elles. En voyageant dans le monde, on voit pourtant tant de belles filles noires tendance… il ne pouvait pas ne pas en avoir une ! Alors, j’ai décidé que j’allais lancer mon propre site et n’y mettre que des photos de mannequins noires. Je ne connaissais rien aux blogs. Je connaissais seulement les vedettes noires comme Halle Berry, Naomi Campbell… Alors j’ai créé NeilAlvin.com et tous les jours je recherchais en ligne et affichais des photos de mannequins noires célèbres.
Peu à peu, une petite communauté de 400 fans s’est formée et leur curiosité fut piquée au sujet de l’identité de la personne derrière le blog. Ils voulaient savoir d’où je venais, ce que je faisais les weekends, mes projets pour l’été… des choses comme ça. Chaque fois que l’on me posait une question, je répondais publiquement pour que les autres ayant les mêmes questions puissent voir les réponses. Et ces réponses généraient des commentaires.
C’est à ce moment-là que je me suis rendu compte que personne ne chercherait le site Neil Alvin et qu’il fallait que je crée une marque autour du site web. J’ai eu recours aux 400 fans pour choisir le nom et finalement Black Girls Killing It est né. Rien qu’enregistrant le nom et en créant un logo, le nombre d’adeptes a bondi de 400 à 4.000 en un mois.
C’est intéressant. Donc le blog ne découle pas d’un véritable intérêt pour la mode ?
Non, pas vraiment. Honnêtement, je ne dirais pas que je m’intéresse trop à la mode. C’est juste que j’aime regarder les photos. Ma mère collectionnait des magazines, donc il y en avait toujours beaucoup qui trainaient – Essence, Ebony, Cosmopolitan… Entre l’âge de 12 et 14 ans, je lisais beaucoup de magazines, donc c’est vraiment mon amour de la lecture qui m’a fait connaître la mode. Mais je ne connais pas l’industrie de la mode.
En ce qui concerne BGKI, quels furent vos plus gros défis jusqu’à maintenant ?
Mes plus gros défis viennent du fait que j’habite la Barbade. De nombreuses opportunités me sont offertes – je reçois beaucoup d’invitations que je refusais au début. Mais il y a deux ans, j’ai commencé à les utiliser comme moyen de faire participer d’autres personnes. Par exemple, je recevais des invitations à London Fashion Week, Milan Fashion Week, etc., alors j’ai lancé des concours sur le site et j’ai offert à mes fans l’opportunité de gagner des places pour assister aux Semaines de la mode.
Le fait d’habiter la Barbade a aussi un impact financier pour recevoir des paiements des États-Unis. Je suis en quelque sorte pénalisé parce que je n’ai pas de compte bancaire américain. Un autre défi vient du fait que je n’ai pas la possibilité de faire du porte à porte pour rencontrer les personnes influentes. Je dois essayer d’attirer l’attention des gens par email alors qu’ils sont déjà assaillis par des milliers d’e-mail.
Eh bien, étant donné ce que vous venez de dire, vous sentez-vous parfois en dehors du monde de la mode puisque vous vous trouvez à la Barbade qui n’est pas un acteur majeur (nonobstant Rihanna) ? Ou est-ce que l’ère de l’Internet rend la situation géographique moins importante en ce qui concerne la mode ?
Oui et non. Je ne suis pas pénalisé par l’Internet. Chacun a la même opportunité d’aller de l’avant et faire connaître son produit. C’est génial – on peut sortir de l’obscurité et atteindre la gloire en un jour juste parce que quelque chose est devenu viral. Mais je suis défavorisé quant au réseautage et à la publicité qui génère du revenu. Par exemple, il y a des conférences données par des réseaux de blogueurs et aucune ne se déroule à la Barbade. La plupart des sièges sociaux de grandes agences de publicité se trouvent dans les grandes villes, pas à la Barbade. Le fait d’être ici fait qu’il est encore plus difficile d’établir des contacts avec les bonnes personnes.
D’après vous, y-a-t-il de quelconques avantages à être à la Barbade ?
Oui. La réputation de la Barbade comme lieu désirable et exotique a poussé certains blogueurs et fans à prendre contact. Comme j’ai déjà dit, il y en avait qui voulaient en savoir plus sur moi et sur l’île également. En fait, j’en ai même accueilli chez moi. J’ai donc décidé d’exploiter la puissance des médias sociaux pour promouvoir la Barbade dans le monde. Donc, en 2016 je prévois de faire venir les blogueurs à la Barbade pendant deux jours pour faire des entretiens, au lieu de les faire en ligne comme je faisais avant. On peut imaginer que si un blogueur de mode, ayant des centaines de milliers d’adeptes sur les médias sociaux annonçait un voyage à la Barbade qu’immédiatement cette nouvelle générait énormément d’intérêt parmi eux. De cette façon, je ferai du buzz tant sur BGKI que sur la Barbade.
D’où viennent la plupart de vos adeptes ? Y-a-t-il des posters venant de la Barbade ?
D’un seul pays, la plupart de mes adeptes viennent des États-Unis (environ 60 %). Auparavant, ce nombre était encore plus élevé, mais ma popularité s’accroit sur le continent africain. Alors, en comptabilisant le nombre d’adeptes des différents pays africains, ils dépassent ceux aux États-Unis. Les plus grand marchés nationaux pour moi sont les États-Unis (New York, Los Angeles, Miami), le Royaume Uni (Londres) et la France (Paris). Mais si l’on ajoute les adeptes d’Afrique du Sud, du Nigeria, du Ghana et du Zimbabwe, ils dépassent ceux des États-Unis. J’ai quelques adeptes à la Barbade, environ 2 %, mais ils n’affichent presque jamais de photos.
Vous avez fait référence à la France, alors quelle est la réaction des Français sur votre blog ?
En fait, j’ai remarqué les Français quand j’ai vu des postes sur le blog qui n’étaient pas en anglais et cela m’a intrigué. Pendant les deux premières années, je n’avais pas vraiment d’adeptes. Et puis le nombre est passé à entre quatre et cinq milles en trois mois. Je ne sais toujours pas ce qui a provoqué cet intérêt soudain… peut-être parce que les français en général et les Parisiens en particulier s’intéressent à la mode. J’ai fait une tournée de quelques villes européennes, dont Paris, l’été dernier pour promouvoir le site et cela s’est bien passé.
D’où viennent les photos et est-ce qu’elles sont retouchées avant d’être publiées ?
Les filles m’envoient des photos. Au début, je les affichais moi-même, puis j’ai décidé d’ajouter une fonction de soumission sur le site permettant aux filles de m’envoyer des photos. Après avoir travaillé toute la journée à temps plein, rentrer à la maison et passer encore quatre heures à chercher des photos des mannequins connus, c’était fatiguant. J’ai attendu 3 semaines avant qu’une photo ne soit soumise. Vous pouvez imaginer ma joie en recevant la toute première … et évidemment ça a fait boule de neige depuis.
Et oui, je les retouches avant de les publier après avoir fait ma sélection des photos envoyées. Je fais ceci pour être sûr qu’elles respectent certains critères. En fait, ceci m’a offert l’occasion de travailler avec des photographes et magazines étrangers, surtout à LA et à New York.
La superstar Barbadienne Rihanna est reconnue mondialement comme une icône du style (à l’heure de la rédaction, elle venait d’être reconnue comme la célébrité la plus commercialisable du monde). Pensez-vous qu’elle exerce une influence sur le style des filles barbadiennes ?
Rihanna est sans aucun doute une icône mondiale de la mode et les filles barbadiennes font attention à ses choix et en copient quelques-uns. Il y a quelques années quand Rihanna était dans sa période cheveux rouges, les filles barbadiennes ont porté des cheveux rouges pendant deux ans.
Est-ce que les filles Barbadiennes assurent côté mode ?
À vrai dire je ne me suis jamais posé la question par rapport aux filles Barbadiennes. Pour moi killing it, ça englobe aussi bien la confiance que les tenues tendances. J’ai constaté que le style s’est amélioré à la Barbade au fil du temps. J’aimerais penser que j’y suis pour quelque chose. Désormais, les filles sont au fait de la mode. Auparavant, il existait un décalage – une nouvelle tendance sortait en janvier mais pouvait ne pas arriver à la Barbade avant septembre. Je sais que cela arrive parce que je rencontre les propriétaires des magasins lorsque j’assiste aux évènements à la Barbade ; il semblerait qu’ils consultent le site pour se renseigner sur ce que portent les filles à l’étranger et se servent de ces informations pour décider quoi vendre sur le marché local. Par exemple, quand une photo est affichée, cela provoque une réaction de la part de mes adeptes – ils indiquent leur préférence pour un look par rapport à un autre avec des « j’aime ». Ainsi, les propriétaires de magasins locaux ont une preuve tangible des tendances internationales populaires, ce qui influence leurs achats… et puis on les voit dans les rues de la Barbade.
Quels sont les tendances de la mode féminine que vous préférez ?
J’aime voir les filles porter des chemises à col boutonné. Si une fille peut porter une chemise à col boutonné et un pantalon et réussir à être chic, pour moi cela demande plus d’effort que de porter une robe moulante. Il faut faire preuve de plus de créativité pour porter des vêtements larges tout en étant chic. J’aime aussi le choix de combinaisons.
Décrivez votre style
J’aime bien sortir du lot. J’adore le tissu en jean, les looks structurés, le style militaire, les chemises à col boutonné… et je privilégie le confort.
Alors, qu’elle est la prochaine étape ? Quel but vous êtes-vous fixé ?
J’aimerais développer la marque dans d’autres pays, ouvrir de vrais magasins. Actuellement, j’ai un marché en ligne où les gens vendent leurs produits, mais j’aimerais convertir cela en un magasin physique. Voici comment je gagne de l’argent : puisque j’ai accès à un public d’acheteurs, les magasins viennent vendre leurs publicités destinées au public sur le site BGKI, comme font Macy’s, JC Penney, Forever 21. J’ai créé le marché afin que mes adeptes puissent trouver les divers magasins et bonnes affaires dans un même lieu. Il s’appelle Shop BGKI et c’est un centre commercial en ligne tout simplement. Donc, ce que j’aimerais faire maintenant c’est d’en créer une version physique. Ceci pourrait servir de plateforme aidant les créateurs locaux à faire connaître leurs produits à l’étranger grâce aux magasins BGKI.
J’aimerais aussi pénétrer le marché des carnavals. Il y a plus de 50 carnavals dans le monde chaque année. Et encore, ceci pourrait être un moyen de promouvoir le talent local ; on demanderait aux créateurs locaux de créer des tenues de carnaval qui seraient alors mises en avant dans une section BGKI des groupes de carnaval. C’est un concept qui pourrait être transmis aux différents carnavals du monde. Donc, je commencerai en 2016 avec une section BGKI dans un des grands groupes défilant le jour du carnaval, Kadooment Day. Je verrai comment cela se passe. S’il marche bien je pourrais alors transmettre le concept aux carnavals de Trinité ou de Brésil ou de Notting Hill. Cela pourrait vraiment donner de l’envergure à ma marque. Actuellement, elle est connue seulement des internautes qui font des achats en ligne. Mais il y en a beaucoup plus qui n’ont jamais entendu parler de BGKI.
D’après vous, qu’est-ce qui fait le succès du blog ?
Je crois que c’est dû au fait que quand les filles visitent le site, elles voient des gens qu’elles pourraient effectivement rencontrer dans la rue, à l’opposé des magazines où elles voient des célébrités. Je pense que c’est pour cette raison que le site continue de se développer. Je reçois régulièrement des messages et des e-mails de filles me disant que le blog leur a donné confiance… qu’il les a aidées à se rendre compte qu’elles n’étaient pas seule à s’habiller d’un style particulier, qu’elles ne sont pas des cinglées. C’est une petite communauté en quelque sorte qui soutient les unes et les autres… il n’y a pas de commentaires négatifs sur les photos.
Évidemment vous avez trouvé une niche de marché, y a-t-il des projets de développement à d’autres segments démographiques ?
Je compte bien développer et en fait j’ai déposé les marques Asian Girls Killing It and World Girls Killing It. Au fur et à mesure de son développement, il faut penser à l’avenir. Il y aura des marques et des sociétés qui ne souhaiteront pas s’associer explicitement avec Black Girls Killing It. Il faut garder des options ouvertes. C’est un concept qui pourrait s’étendre facilement à d’autres marchés, tel que l’Asie, et devenir World Girls Killing tout simplement… n’importe quelle fille qui est à la mode et ayant confiance en elle-même.
Merci à la direction du Limegrove Lifestyle Centre de nous avoir permis d’utiliser leurs locaux.
Photographies par Stephen R. SMITH, Pro Photo Studio / Photo Dynamics Inc.
Blog written and translated by AAA Translation Services. For the English version see here.